Face au capitalisme absolu, Diego Fusaro occulte la capacité de résistance des Peuples !
Article rédigé par Brigitte Bouzonnie
A juste titre, le jeune philosophe marxiste Diego Fusaro dénonce le capitalisme absolu, confisquant en la marchandisant toute la réalité, y compris ce qui était jusque là gratuit : l’eau devenue scandaleusement payante. Idem pour les fleurs, que j’ai connues gratuites pendant toute ma jeunesse. Les “chats de gouttière”, et on parle d’expérience….
1°)-Oui, nous subissons un capitalisme absolu, confisquant notre conscience personnelle.
Le capitalisme absolu confisque aussi notre conscience personnelle. Notre “je”, que l’on vit comme étant notre “essence propre”, ne serait en réalité qu’une construction sociale, formatée par l’idéologie dominante de la Classe bourgeoise libérale-libertaire. Nos écrits sur les réseaux sociaux seraient préemptés par le discours dominant. Sa répétition inconsciente. Il y a du vrai dans cette affirmation : combien de fois ai-je trouvé mon “fil d’actu” terne, morne, simple copié/collé des bobards de BFM-TV ! Y Manque souvent cruellement l’esprit de scission cher à Gramsci !
Idem pour notre sexualité subissant les modes du moment. Si la mode est au libertinage, nous serons libertins. Durant la période 1968-2020, chacun/chacune a vécu sous le seul dogme : “tout est possible, tout est permis” de Georges Moustaki. Inversement, si la mode revient au contraire à un certain puritanisme apparu récemment aux Etats-Unis avec le mouvement Me too, nous serons exemplaires, raisonnables, y compris dans notre vie la plus privée.
2°)- En revanche, la vision de Mai 68 forgée par Diego Fusaro est étriquée et réductrice au seul Mai libertaire:
Diego Fusaro écrit : “1968 est le moment génétique du nouveau et terrifiant capitalisme absolu-totalitaire, qui dissout toutes les identités – y compris celle de classe – et produit une masse amorphe de consommateurs qui se rapportent à l’essentiel dans sa totalité sous forme de consommation : c’est le tournant vers l’individualisation post-bourgeoise, post-prolétarienne, ultra-capitaliste d’aujourd’hui. Les soixante-huitards, en luttant contre la bourgeoisie, sa conscience malheureuse et ses héritages éthiques, ne luttaient pas, du même coup, contre le capitalisme”(sic).
Selon Diego Fusaro, Mai 68 aurait été simplement l’allié du capitalisme moderne. Reprenant en cela la version de l'idéologie dominante, visant à faire de Mai 68, un festival folk des vieilles charrues new look, préparant à la "modernité" d'un capitalisme revenu à sa sauvagerie libérale.
La réalité est plus nuancée, comme le montre Alain Badiou dans son ouvrage : “‘On a raison de se révolter.Actualité de Mai 68”, édition Fayard, 2018.
Que nous dit Alain Badiou ?
MAI 68 EST LA TRESSE, ENIGMATIQUE ENCORE AUJOURD'HUI, ENTRE DES PROCESSUS TRES DIFFERENTS : MAI 68 ETUDIANT, MAI OUVRIER, MAI LIBERTAIRE.
La force, la particularité du Mai 68 français est d'avoir entrelacé, combiné, superposé, trois processus finalement assez hétérogènes. Citons-les : 1°)- Mai 68 étudiant et lycéen, avec notamment les combats du quartier Latin. 2°)-Mai 68 ouvrier avec la plus grande grève générale de toute l"histoire française (17 millions de grévistes), se concluant par les accords de Grenelle. 3°)-Mai 68 libertaire proposant une transformation des moeurs, de nouveaux rapports amoureux, la libération de la femme, l'émancipation des homosexuels.
L’analyse développée par Alain Badiou et très fine et respectueuse des contradictions du réel. Et ce faisant, mille fois plus stimulante que la version fallacieuse promue par l'idéologie dominante. Et qui vise à nous désespérer : nous faire croire que les Peuples ne se sont jamais révoltés contre le système capitaliste.
3°)- Diego Fusaro occulte la capacité de résistance des Peuples :
Diego Fusaro ne retient de Mai 68 que sa composante libertaire. Celle qui n’a jamais remis en cause un capitalisme brutal faisant travailler une fraction du salariat jusqu’à plus soif, payée une misère. Celle qui est indifférente à un capitalisme laissant filer sciemment, en toute connaissance de cause la courbe du nombre de chômeurs: 1 million en 1980.2 millions en 1988. 3 millions en 1997. 6 millions aujourd’hui, selon les chiffres de la DARES. 9 millions selon mes calculs.
Du coup, Diego Fusaro occulte toute capacité, velléité de résistance populaire anti système, anti capitaliste, qui auraient selon lui, totalement disparu. Ce constat vaut pour ce texte publié aujourd’hui sur “Réseau International”. Mais il valait aussi pour son livre : “L’Europe et le capitalisme”, édition Mimesis philosophie, 2016. Ouvrage que j’avais lu avec intérêt, mais qui se heurtait à la même remarque.
Diego Fusaro développe l’image d’un capitalisme, jamais limité par de sérieuses contradictions de classes : absence dans ses analyses d’un Mai 68 ouvrier avec 17 millions de grévistes dans la rue. Absence dans ses livres des “années rouges” (“1968-1978”), qui ont vu un nombre record de journées individuelles non travaillées pour fait de grève, surtout l’année 1975. Absence dans son raisonnement du mouvement social de 1995 qui a fait céder Juppé. De la mobilisation contre la réforme des retraites de 2009 contre Sarkosy, qui a failli réussir, dixit Jean-Louis Borloo, qu’on ne peut pas traiter de bolchevique. Du mouvement contre la loi Khomri, qui n’a été adoptée qu’à la faveur du 49-3. Des courageux Gilets Jaunes. Rien sur les mobilisations chaque samedi de l’été 2021 contre l’obligation vaccinale déguisée imposée par Macron, avec des chiffres fantastiques : 3,6 millions de manifestants, rien que pour la journée du 31 juillet 2021.
Diego Fusaro postule l’inertie des peuples face à la machine totalitaire du capitalisme absolu, alors que ces derniers se sont battus avec beaucoup de courage. Continuent de se battre, comme le montre en ce moment les manifestations des américains contre l’obligation vaccinales observées à Los Angeles (Californie). Des hollandais à Rotterdam. Sans oublier une Italie comptant un million de manifestants au mois d’octobre 2021 contre la dictature sanitaire.