Expansion de l’OTAN : comment on a fabriqué la plus grave crise depuis la fin de la Guerre froide !
Article rédigé par Olivier Berruyer pour le site Les crises"
Comme nous l’avons vu précédemment, la crise actuelle est fondamentalement liée à l’expansion de l’OTAN vers l’Est.
Car à force d’étendre l’OTAN à l’Est, il devait arriver à un moment où se poserait le problème du contact direct avec la Russie – situation qu’elle considère comme inacceptable pour sa sécurité, puisqu’un incident de frontière pourrait déclencher une confrontation avec l’OTAN.
Nous vous proposons dans cette partie une chronologie détaillée de la crise actuelle.
« Celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre. » [George Santayana, Vie de Raison (1905)]
I. 1990-1993 : Les promesses n’engagent que ceux qui les croient…
La crise actuelle trouve donc ses racines en 1990, dans les promesses à l’URSS de ne pas étendre l’OTAN à l’Est.
Afin de clore toute polémique inutile sur ce sujet, voici les promesses telles qu’elles figurent dans les archives occidentales (cliquez pour agrandir ; voir cet article pour le détail ; s) :
English version :
Au début des années 1990, l’Ouest continue à donner des garanties, plus limitées, à Boris Eltsine, comme nous l’avons vu dans ce billet, lui indiquant que la Russie pourra, un jour, intégrer l’OTAN.
Mais, dès septembre 1993, les grands dirigeants occidentaux issus de la guerre froide ayant moins de poids sur la scène politique ou l’ayant quittée, leurs successeurs (la nouvelle administration Clinton en l’espèce) commencent à établir des plans d’élargissement de l’OTAN. Comme par exemple avec ce plan secret soumis au Secrétaire d’État envisageant une extension progressive en une dizaine d’années, culminant avec une adhésion simultanée de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie. [s]
Mais au même moment, Eltsine écrit à Clinton que « l’esprit des accords de 1990 interdit l’option d’étendre l’OTAN à l’Est ». [s]
Et il fait savoir publiquement qu’il s’oppose à une extension de l’OTAN qui exclurait la Russie, car elle serait « inacceptable » puisqu’elle « saperait la sécurité en Europe ». [s]
Pour bien percevoir l’importance du danger perçu par la Russie, les services de renseignements russes font même publiquement état de possibles contremesures militaires « radicales ». [s]
Le 22 octobre, le Secrétaire d’État américain se rend en Russie pour rencontrer Eltsine. Il lui indique que sa lettre à Clinton (lui indiquait que l’esprit de 1990 excluait tout élargissement) est arrivée pile au bon moment, et qu’elle « a joué un rôle décisif dans du président Clinton ». Il lui annonce la création d’un « partenariat pour la paix », et confirme clairement (comme le montre le compte-rendu américain) qu’il mettra tous les pays sur un « pied d’égalité » (dont la Russie), et qu’il n’y aura « pas d’adhésion » (à l’OTAN des pays de l’Est). [s]
Cela enthousiasme Eltsine, qui pare d’une « idée de génie », qui « dissipe toutes les tensions » russes, car « cela aurait été un problème pour la Russie si elle n’avait obtenu qu’un statut de seconde classe ». « Brillante idée, vraiment brillante » que ce partenariat pour tous, et non l’adhésion pour certains….
II. 1994 : Le clash de Budapest
Le 27 septembre 1994, le président Clinton reçoit Eltsine à la Maison-Blanche et lui indique : « L’expansion de l’OTAN n’est pas anti-russe ; elle n’est pas destinée à exclure la Russie, et il n’y a pas de calendrier imminent […] L’objectif plus large et plus élevé [est] la sécurité, l’unité et l’intégration européennes – un objectif que je sais que vous partagez ». [s]
Mais les Russes apprirent à l’automne 1994 que le nouveau secrétaire d’État adjoint pour l’Europe, Richard Holbrooke, accélérait les discussions sur l’expansion de l’OTAN, en lançant même en novembre une étude de l’OTAN sur le « comment et pourquoi » pour les nouveaux membres. Eltsine se plaignit à Clinton le 29 novembre. [s]
Il exprima brutalement sa déception le 5 décembre 1994, lors du sommet de Budapest de la CSCE, dont nous avons présenté le contexte dans ce billet. Devant un Clinton interloqué, il critiqua fortement l’attitude de l’OTAN, accusée de vouloir de nouveau scinder le continent. Voici quelques extraits de ce discours très important, qui n’existe, hélas, en entier qu’en version audio en russe [à écouter ici]
« Notre attitude vis-à-vis des plans d’élargissement de l’OTAN, et notamment de la possibilité que les infrastructures progressent vers l’Est, demeure et demeurera invariablement négative. Les arguments du type : l’élargissement n’est dirigé contre aucun État et constitue un pas vers la création d’une Europe unifiée, ne résistent pas à la critique. Il s’agit d’une décision dont les conséquences détermineront la configuration européenne pour les années à venir. Elle peut conduire à un glissement vers la détérioration de la confiance entre la Russie et les pays occidentaux. […]
La Russie attend également que sa sécurité soit prise en compte. […] Nous sommes préoccupés par les changements qui se produisent à l’OTAN. Qu’est-ce que cela va signifier pour la Russie ? L’OTAN a été créée au temps de la guerre froide. Aujourd’hui, non sans difficultés, elle cherche sa place dans l’Europe nouvelle. Il est important que cette démarche ne crée pas deux zones de démarcation, mais qu’au contraire, elle consolide l’unité européenne. Cet objectif, pour nous, est contradictoire avec les plans d’expansion de l’OTAN. Pourquoi semer les graines de la méfiance ? Après tout, nous ne sommes plus des ennemis ; nous sommes tous des partenaires maintenant. Nous entendons des explications selon lesquelles il s’agit prétendument de l’expansion de la stabilité, juste au cas où il y aurait des développements indésirables en Russie. Si, sur ces bases, l’objectif est d’étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie, laissez-moi vous dire une chose : il est trop tôt pour enterrer la démocratie en Russie. Nous ne répéterons pas les erreurs du passé. Aucun grand pays ne vivra selon les règles de l’isolement. […]
L’histoire démontre que c’est une dangereuse illusion de supposer que les destinées des continents et de la communauté mondiale en général peuvent être gérées d’une manière ou d’une autre à partir d’une seule capitale. […] L’Europe, qui ne s’est pas encore libérée de l’héritage de la guerre froide, risque de plonger dans une paix froide. »
Haut de la première page du New York Times, et couverture du Los angles Times, 6 décembre 1994 [s ; s]
Clinton lui répondit alors un refrain qui deviendra classique [s] :
« L’OTAN n’exclura automatiquement aucune nation de l’adhésion. […] Dans le même temps, aucun pays extérieur ne sera autorisé à mettre son veto à l’expansion.«
Le vice-président Al Gore fut alors dépêché en urgence à Moscou pour rassurer les Ruses, à commencer par le président du Parlement Ivan Rybkin qu’il rencontre le 14 décembre 1994, et à qui il indique qu’il n’y aura « aucune expansion rapide » de l’OTAN, mais qu’elle serait « progressive, réfléchie, absolument ouverte et transparente, sans surprises« , avec « des discussions franches et approfondies avec la Russie à chaque étape de ce processus« , [s]
Il répète ceci à Eltsine deux jours plus tard. [s]
Le 10 mai 1995, lors des célébrations des 50 ans de la victoire sur l’Allemagne nazie, Eltsine résume parfaitement sa problématique : « Je ne vois rien d’autre qu’une humiliation pour la Russie si vous continuez […] Pourquoi voulez-vous faire ça ? Nous avons besoin d’une nouvelle structure pour la sécurité paneuropéenne, pas des anciennes ! […] Mais si j’acceptais que les frontières de l’OTAN s’étendent vers celles de la Russie, cela constituerait une trahison de ma part du peuple russe ». Pour sa part, Clinton a insisté sur une expansion « progressive, régulière et mesurée » de l’OTAN : et indique à Eltsine qu’il « ne soutiendrait aucun changement qui sape la sécurité de la Russie ou qui redécoupe l’Europe. » [s]
La suite allait rapidement démentir ces (nouvelles) belles promesses.
III. 1995-2004 : L’expansion vers l’Est
Le Président Clinton subissait depuis de nombreux mois la pression des faucons républicains comme démocrates pour élargir l’OTAN brutalement. [s]
Il s’y résout finalement, et lors du débriefing d’Al Gore le 21 décembre, Clinton indiqua qu’il avait décidé une expansion rapide de l’OTAN après 1996. [s] Cette année-là, il indiqua publiquement la date : 1999, pour les 50 ans de l’Alliance. [s]
Cependant, en septembre 1995, durant la guerre de Yougoslavie, « l’alliance purement défensive de l’OTAN » lance l’Opération Deliberate Force (Force délibérée [sic.]) visant à bombarder la République serbe de Bosnie (« Oh, des Slaves ! ») – qui n’avait pourtant agressé aucun de ses États membres. Au cours des 3 515 sorties aériennes, 338 sites sont bombardés, recevant 1 026 bombes. C’est au cours de ces opérations que 2 pilotes français dont l’avion a été abattu sont capturés puis libérés.
Bombardement d’une cible serbe en Bosnie durant l’opération [s]
C’est dans ce contexte que Eltsine alerta de nouveau sur le risque futur de guerre en Europe, avec la reconstitution de deux bloc, dénonçant le suivisme des Européens sur un sujet fondamental touchant à leur sécurité. [s]
Mais dans les mois qui suivirent, la Russie connut de gros problèmes financiers : le taux d’intérêt des emprunts publics dépassèrent 100 %, la dette dut être restructurée. La banqueroute ne tarderait pas (août 1998), mais, en attendant, l’État russe était « au bord du gouffre financier » [s] et il ne subsistait que grâce au soutien international, donc celui des Américains.
La Russie était désormais trop faible pour défendre ses intérêts fondamentaux. Elle dut donc céder, et négocier quelques compensations, comme la création d’un Conseil conjoint permanent OTAN-Russie, traitant de toute situation où la paix et la stabilité en Europe seraient en danger – mais où la Russie n’a aucun droit de veto sur les décisions de l’OTAN, et où chaque partie garde le droit d’agir librement en cas de désaccord… [s ; s]
Lors du sommet de Madrid, en juillet 1997, les dirigeants de l’OTAN purent alors se battre pour… l’étendre le plus vite et le plus loin possible, ne tenant pas le moindre compte des (toujours) fermes protestations russes. [s ; s]
Lors de ce sommet, l’OTAN invita la Hongrie, la Tchéquie et la Pologne à entrer dans l’alliance militaire, ce qui sera fait le 12 mars 1999. [s]
Lever des drapeaux des trois nouveaux membres le 16 mars 1999
Ils arrivent justes à temps pour que, le 24 mars 1999, « l’alliance purement défensive de l’OTAN » lance l’Opération Allied Force (Force alliée [sic.]) visant à bombarder la Serbie (« Oh, encore des Slaves ! ») – qui n’avait pourtant agressé aucun de ses États membres. Au cours des 38 000 sorties aériennes, 7 600 sites sont bombardés, recevant 25 000 bombes en 78 jours. Au toal, , tuant environ 500 civils et 1 000 militaires auront été tués dans ces interventions dans l’ex-Yougoslavie. L’OTAN, née le 4 avril 1949, ne pouvait rêver meilleur 50e anniversaire. [s ; s ; s]
Quartiers généraux de l’Armée yougoslave endommagés durant les bombardements de l’OTAN.
Le 12 mars 2004, ce sont enfin la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie qui rejoignent l’OTAN. Désormais 3 pays membres de l’OTAN ont une frontière commune ave la Russie.
Sommet d’Istanbul de 2004 et lever des drapeaux au siège de l’OTAN à Bruxelles le 2 avril 2004
Au final, force est de constater qu’une telle attitude est étonnante : on a ainsi élargi considérablement le nombre de pays qui, s’ils étaient agressés, nous feraient entrer automatiquement en guerre. suivant l’article 5 du Traité OTAN [s]:
« Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord. »
Rappelons que c’est par ces alliances militaires « défensives » sont donc tout sauf anodines : c’est par elles que se sont déclenchées la Première et la Seconde Guerre mondiale.
Mais ils semblent que, pour ces dirigeants, elles fonctionnent apparemment comme des halls de gare : y rentre qui veut, sans se soucier des conséquences qu’une situation politique imprévue occasionnera 10, 20, 50 ans plus tard…
IV. « Nous ne cherchons pas du tout à isoler la Russie »
Le bilan de ces élargissements saute aux yeux si on compare les cartes :
Il explique les réactions passées, présentes et futures de la Russie.
Rappelons d’ailleurs que, lors du sommet de Budapest de 1994, le secrétaire général de l’OTAN, Willy Claes, avait lui aussi défendu les plans d’expansion de l’alliance. Il avait même indiqué, d’un ton persifleur :
« Nous ne voulons pas créer une fois de plus deux zones d’influence différentes en Europe. Nous ne cherchons pas du tout à isoler la Russie.«
V. Gorbatchev contre-attaque : « N’humiliez pas la Russie »
Bien qu’ayant quitté tout rôle politique le 25 décembre 1991, Gorbatchev n’a cessé de se préoccuper de la sécurité en Europe en général, et de l’OTAN en particulier.
Il remit ainsi sur le devant de la scène en 1995 son idée de « maison commune « européenne, afin de rapprocher tous les européens, et indiqua alors que « tenter de résoudre les problèmes les plus délicats – liés aux questions nationales – à l’aide de missiles est proprement absurde« . [s]
Il intervint en 1997 pour dénoncer l’expansion de l’OTAN, qu’il jugeait « non sérieuse ».
Il intervint également devant le Congrès américain le 10 avril 1997, dénonçant l’expansion de l’OTAN, « une grave erreur, la Russie ne pouvant qu’être inquiète ». Il poursuivit, indiquant qu »il n’est pas possible d’humilier une nation, un peuple, et de penser qu’il n’y aura aucune conséquence« , leur demandant si c’était « une nouvelle stratégie« . Il conclut : « Si le même type de jeu continue à être joué, si un pays joue une carte contre un autre pays, alors, tous les problèmes que je viens de mentionner seront très difficiles à résoudre. »
En 2014, il dénonçait toujours l’aventurisme militaire occidental, rappelant que « La décision des États-Unis et de leurs alliés d’étendre l’OTAN à l’Est a été prise de manière décisive en 1993. J’ai appelé ça une grosse erreur dès le début. C’était certainement une violation de l’esprit des déclarations et des assurances qui nous avaient été faites en 1990. En ce qui concerne l’Allemagne, elles ont été consacrées dans les formes légales contraignantes et sont respectées. » [s].
VI. 1996-1997 : Les Cassandres, évidemment ignorées
VII. 2007 : La dernière alerte de Poutine
(à venir)
VII. 2008-2020 : En route vers le mur
C’est en 2008 que l’OTAN fit la promesse à l’Ukraine et à la Géorgie qu’elles rejoindraient l’organisation.
Mais face au désaccord entre George Bush d’une part, favorable à une adhésion, et d’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, très réticents, aucune date n’a été avancée [s ; s].
La légèreté de ceci transparait bien dans ce bref résumé [s] :
« C’était un compromis de dernière minute, arraché pour éviter l’embarras d’un sommet de l’OTAN qui ce serait sinon conclu sans annonce forte. En ce mois d’avril 2008, dans la capitale roumaine de Bucarest, les lignes sont clairement tracées : le président américain George W. Bush veut offrir à la Géorgie ainsi qu’à l’Ukraine un « plan d’action pour l’adhésion », ou MAP, c’est-à-dire une feuille de route qui déboucherait sur l’adhésion de ces deux pays frontaliers de la Russie à l’alliance militaire nord-atlantique.
Face à lui, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy sont unis dans leur opposition, craignant qu’une telle annonce ne soit vue comme une provocation. Ils ne sont, certes, pas les seuls. En amont du sommet, l’ambassadeur américain à Moscou, William J. Burns, avait câblé à Washington son inquiétude : « L’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN est la plus rouge des lignes rouges pour l’élite russe », écrit-il, ajoutant entre parenthèses « pas seulement Poutine ».
C’est avec la médiation du Royaume-Uni que le compromis est finalement trouvé, et ancré dans un communiqué de presse : « Nous sommes d’accord pour dire que (l’Ukraine et la Géorgie) deviendront membres de l’OTAN. » Le MAP, processus très concret qui aurait eu valeur de pré-adhésion, laisse place à une vague promesse dépourvue de calendrier. »
Suite à la crise politique ayant fait suite au coup d’État du Maïdan, l’Ukraine a abandonné son statut de « pays non-aligné » fin 2014. [s]
En 2019, l’Ukraine a inscrit dans sa Constitution sa volonté d’adhérer à l’UE et à l’OTAN. [s]
En 2020, l’OTAN a accordé à l’Ukraine le statut de partenaire « nouvelles opportunités ». [s]
En février 2021, le président ukrainien a indiqué que sa première question à Joe Biden concernerait l’adhésion de son pays à l’OTAN. [s]
En juin 2021, le président ukrainien a demandé à Biden de lui répondre par « oui » ou « »non » pour l’adhésion de l’Ukraine. [s]
En septembre 2021, le président ukrainien a rencontré Biden, et lui a demandé… d’accélérer l’adhésion de l’Ukraine. [s]
Le 21 octobre 2021, la Russie indique qu’elle estime que la taille de l’armement militaire de l’Ukraine opéré par l’OTAN menace sa sécurité, même si l’Ukraine n’est pas encore membre de l’OTAN. [s]
En effet [s] :
« C’est pour cela que l’on a cette crise. Pas tant à cause de la perspective d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, mais parce que les Russes considèrent que la coopération actuelle entre l’OTAN et l’Ukraine équivaut à une adhésion de facto, estime Lawrence Freedman, professeur émérite d’études de conflit au King’s College de Londres. Il est important de comprendre le point de vue de Poutine, mais il faut aussi voir que tout cela découle des actions qu’il a entreprises en Ukraine en 2014. C’était une énorme erreur de jugement de sa part et il n’est plus possible de revenir en arrière. »
Biden n’ayant pas refusé, la Russie a commencé à déplacer certains de ses soldats près de la frontière russo-ukrainienne. C’était un message clair, encore plus clairement exprimé le 18 novembre 2021 : pour Poutine, l’Occident prend les lignes rouges de la Russie bien trop à la légère. [s]
Le 30 novembre 2021, il a confirmé que cela concernait bien l’expansion vers l’Est de l’OTAN. [s]
Le 7 décembre 2021, il a demandé à Biden des garanties sur le non-élargissement de l’OTAN. [s]
Le 9 décembre 2021, la réponse de Biden est de dire à l’Ukraine que son adhésion à l’OTAN repose entre ses mains. [s]
Le 10 décembre 2021, l’OTAN refuse de donner à la Russie les garanties qu’elle demande. [s]
Le 16 décembre 2021, le président ukrainien est reçu à l’OTAN. [s]
et dans la foulée de ce sommet, l’OTAN et l’UE menacent la Russie. [s]
Des négociations se sont alors engagées début 2022 entre la Russie et les États-Unis, mais elles n’ont débouché sur rien.
C’est un cas classique d’escalade dans l’incompréhension. L’Ukraine se sent menacée, veut adhérer à l’OTAN, donc la Russie réagit, ce qui renforce la menace perçue par l’Ukraine, qui s’arme, etc. À ce stade, l’important n’est clairement plus de chercher un coupable, ce qu’il faut, c’est chercher – et trouver – des solutions.
Espérons donc que la sagesse et la diplomatie l’emporteront, et que nos intérêts propres seront défendus par notre gouvernement, et non pas ceux d’une partie de l’Ukraine ou ceux des marchands d’armes, comme le souligne l’américaine Tulsi Gabbard.
Biden can very easily prevent a war with Russia by guaranteeing that Ukraine will not become a member of NATO. It is not in our national security interests for Ukraine to become a member of NATO anyway, so why not give Russia that assurance? Is it because … pic.twitter.com/ZSlZYBrtP4
— Tulsi Gabbard 🌺 (@TulsiGabbard) February 13, 2022
VIII. 2022 : Et maintenant ?
Cette crise montre l’incompétence de la diplomatie occidentale, empêtrée dans une promesse faite à la légère il y a 15 ans à l’Ukraine. Les pays membres, en particulier la France et l’Allemagne, comprennent bien qu’ils ne peuvent la concrétiser, car cela déclenchera une gigantesque crise avec la Russie, mais ils ne veulent pas perdre la face et revenir sur leur promesse : comme avec la Crimée, ils se sont mis dans une situation apparemment inextricable. [s]
Mais, en réalité, la solution à la crise est très simple, et le Président Macron pourrait même l’appliquer seul : indiquer que la France met son véto à toute extension de l’OTAN, à commencer par l’Ukraine et la Géorgie. Et mettre en place pour eux un statut d’État neutre, coopérant avec tous ses voisins, statut qui les protégera finalement bien mieux, puisqu’on image très mal les États-Unis mettre en péril leur existence pour des problèmes frontaliers de l’autre côté de la Planète.
Rappelons enfin que , non seulement l’extension de l’OTAN n’a rien d’obligatoire, et qu’en 1990 on percevait le danger d’un laisse persister un bloc unique. [s]
Pour conclure, il est donc important de comprendre que la crise actuelle n’a rien de soudain ni d’imprévisible, elle a été longuement construite et elle avait donc été annoncée il y a 25 ans par les plus grands spécialistes (très rarement invités dans les médias). Terminons donc en donnant, de nouveau, la parole à George Kennan :
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