DÉSERTS MÉDICAUX : LA PÉNURIE DE MÉDECINS FRAPPE AUSSI L'ÎLE-DE-FRANCE !
Article rédigé le 29 janvier 2023 par Marion Messina, pour le site ELUCID
La notion de « France périphérique » associée, principalement, au mouvement des Gilets jaunes et à une France bipolarisée entre métropoles et provinces abandonnées, tend à faire oublier les inégalités d’accès à l’éducation, à la culture et à la santé à Paris et en Île-de-France.
Si les praticiens sont nombreux au km2, c'est la faible quantité de médecins rapportée à la population qui vaut à l'Île-de-France le qualificatif de « premier désert médical de France métropolitaine », selon l'Union Régionale des Professionnels de Santé (URPS).
Selon un arrêté publié en octobre 2022 par le ministère de la Santé, 62,4 % des Franciliens, soit environ 7,5 millions d'habitants, vivent dans une « zone prioritaire » où la pénurie de médecins est la plus marquée. À ce chiffre, il convient d’ajouter 4,2 millions d'habitants (33,9 % de la population) domiciliés en « zone fragile », à savoir une aire géographique qui ne subit pas une lourde pénurie, mais où le nombre de médecins n’est pas suffisant pour garantir l’égalité d’accès aux soins.
Au niveau national, l’UFC-Que Choisir dénonce un accès aux soins « particulièrement difficile » pour plus de 20 % de la population française. La ministre déléguée aux Professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, affirme quant à elle que « 87 % du territoire est considéré comme un désert médical ».
Selon les chiffres de l’URPS, l’Île-de-France a perdu 3742 médecins libéraux en dix ans, dont plus de la moitié sont des généralistes. À noter également la perte de près de 28 % des dermatologues, 26 % des gynécologues, 22 % des ophtalmologues et rhumatologues. Le XXe arrondissement de Paris, qui compte parmi les plus peuplés de la capitale avec près de 200 000 habitants, rencontre de grandes difficultés dans l’offre de soins. Quant au XIXe arrondissement, il est intégralement placé en zone d’intervention prioritaire.
Cela peut sembler contre-intuitif, mais exercer dans une métropole en libéral présente de nombreux inconvénients : des journées de travail solitaires, un loyer conséquent à débourser, un travail administratif chronophage à assurer soi-même, une patientèle sous pression, le tout avec un coût de la vie indécent.
En résumé, à Paris, la reprise d’un cabinet en libéral présente tous les inconvénients du sacerdoce médical, avec en prime le double handicap du prix et de la disponibilité des locaux. Le salut de la médecine de ville peut néanmoins être assuré par la création de maisons médicales pluridisciplinaires, à la condition que les pouvoirs publics acceptent d’assurer leur financement.
Contre le désengagement des médecins, l’engagement de l’État
À Montreuil, les trois arrêts de métro qui séparent la mairie de la capitale n’évitent pas la déprise médicale. En mars 2022, l’ARS a classé 97,8 % de la Seine–Saint-Denis en « désert médical avancé ». Face à ce constat, deux médecins radiologues ont nourri le projet d’ouvrir une maison de santé permettant aux médecins de rompre la solitude, faciliter le parcours de soin des patients et disposer d’équipements inaccessibles à des praticiens libéraux isolés. Deux de leurs confrères urgentistes les ont rejoints jusqu’à porter le projet devant l’ARS.
Inaugurée en novembre 2022, la maison de santé s’étend sur 3500 m2 et cinq étages. Une quarantaine de médecins y travaillent au quotidien et proposent quatorze spécialités. La municipalité PCF-NUPES de Montreuil explique avoir soutenu cette initiative avec la recherche des locaux, l'instruction et la délivrance des permis de construire, puis la mise en place d'échanges professionnels entre les médecins des centres municipaux de santé.
L’augmentation du tarif de la consultation : une fausse solution
En décembre, le collectif « Médecins pour demain » soutenu par nombre de syndicats a appelé à fermer les cabinets médicaux dans la semaine du 26 décembre au 2 janvier. Les traditionnelles réclamations contre « la prise d’otage » servies d’ordinaire à l’occasion des grèves des cheminots ne se sont pas fait entendre comme à l’accoutumée sur les chaînes d’information en continu. À se demander s’il n’est pas plus grave pour les éditorialistes libéraux de priver les Français de TGV que de médecins en plein hiver.
Le collectif avait pour principale revendication une hausse de l’acte médical à hauteur de 100 %, soit 15 fois le taux d’inflation actuel. Le problème avec cette revendication est avant tout d’ordre social : quel travailleur pauvre pourra avancer 50 euros pour une consultation chez un généraliste avant de prendre le risque de perdre trois jours de salaire avec le délai de carence dans la foulée ?
Sans compter que si les études de médecine sont particulièrement longues, elles sont intégralement prises en charge par le contribuable, le même qui finance la Caisse primaire d’assurance maladie qui permet aux praticiens de disposer d’une patientèle à vie.
Et si les médecins, au-delà de la question du coût exorbitant du loyer du cabinet dans une métropole, avaient pris goût au commerce et à la logique capitaliste, tout en appréciant la collectivisation de la prise en charge qui leur permet de ne pas avoir à « prospecter » leurs patients ?
Photo d'ouverture : Elle Aon - @Shutterstock
Bonsoir Brigitte,
Pourriez-vous expliciter le processus de : "Sans compter que si les études de médecine sont particulièrement longues, elles sont intégralement prises en charge par le contribuable, le même qui finance la Caisse primaire d’assurance maladie qui permet aux praticiens de disposer d’une patientèle à vie".
Merci beaucoup !
Ahdjéra