Coup de mou pour la France autocratique ?
Article rédigé par H16 pour le site Réseau International
Et voilà donc que Emmanuel Macron, décidément et furieusement pas majoritaire à l’Assemblée nationale, s’est fendu d’un petit discours pour annoncer au peuple français à quelle sauce il entendait le manger. Manque de chance : la sauce a disparu.
Les vagues esquisses d’un gouvernement d’union nationale, putativement composé d’un intéressant patchwork de droite et de gauche pour tenter d’obtenir une coalition suffisamment majoritaire à l’Assemblée, n’aura guère duré que le temps de l’évoquer : comprenant que l’attelage ainsi constitué serait difficile à manipuler et qu’il le serait encore plus à composer en premier lieu, le Président s’est donc vu contraint d’en abandonner toute idée.
Il va donc falloir gouverner au cas par cas, voire cahin-caha et transformer le parcours législatif en parcours du combattant de la négociation, exactement ce domaine dans lequel Macron n’a jamais démontré la moindre compétence. Dès lors, le chef de l’Exécutif a tenté, dans sa (pour une fois et heureusement) courte intervention, de faire passer son échec pour une étape normale et obligée de la vie démocratique saine et vivifiante de notre belle République. Cependant, personne n’aura été dupe lorsqu’il aura renversé la charge de l’ouverture d’esprit et de l’assouplissement vers le législatif.
En effet, dans son esprit, le Président proposera, et les députés devront s’accommoder de la proposition, se couler onctueusement dans le moule présidentiel et tout ira bien et s’ils ne le font pas, alors ces députés félons seront désignés à la vindicte populaire comme réfractaires à toute réforme. Fastoche.
En réalité, le pouvoir législatif, revenu dans les mains de l’Assemblée, impose de voir les choses dans l’autre sens : c’est bien au Président de faire des efforts et d’assouplir ses positions pour espérer obtenir l’assentiment des députés et non l’inverse. On passe donc de Jupiter à Manu Le Bricoleur.
Eh oui : Macron part du principe, complètement irréaliste, qu’il a été élu en avril dernier pour son programme.
Ici, on se demande s’il nous ment ou s’il se ment à lui-même tant c’est évidemment faux : il a été élu pour contrer Marine Le Pen, et c’est à peu près tout. Du reste, c’est lui-même qui s’est mis dans cette situation : d’une part, il a tout fait pour être opposé à la candidate du Rassemblement National en jouant exclusivement sur l’impensable horreur d’une accession du RN à l’Élysée. D’autre part, il a axé sa campagne (ou son absence) sur l’utilisation éhontée du conflit russo-ukrainien, réduisant son programme à quelques grandes lignes floues enrobées de périphrases pompeuses dont il a la pénible habitude. Sans réel programme et élu, comme les députés de l’Assemblée, globalement par rejet de l’adversaire et non par adhésion, il est fort mal placé pour se positionner comme un guide ou prétendre incarner une volonté populaire. Légalement, il est Président de la République, mais c’est tout.
Dès lors, il va devoir furieusement composer, et les jeux d’alliances, loi par loi, texte par texte, promettent pas mal de bidouillages parlementaires.
Ce qui permet au théâtre à l’Assemblée de reprendre de plus belle surtout qu’aucun groupe ne veut pour le moment afficher la moindre complaisance vis-à-vis du Président :
Partant de ces constats finalement assez réjouissants, on pourrait en conclure que la situation devrait s’améliorer en France. Malheureusement, ce serait aller un peu vite en besogne.
D’une part, la situation économique et sociale ne pourra pas être véritablement modifiée par quelque Assemblée que ce soit : les indicateurs macro-économiques ne dépendent que très marginalement des gesticulations législatives françaises, et même s’il y avait des réformes majeures en matière économique (ce dont on peut raisonnablement douter vu l’actuelle dynamique nettement étatiste, interventionniste et pro-matraquage fiscal), l’ampleur de la crise à venir est telle qu’elles arriveraient de toute façon trop tard.
Certes, une Assemblée nationale décidément moins favorable à Macron est peut-être une excellente chose pour éviter un déferlement continu de lois idiotes et contre-productives, et permettra peut-être (rêvons !) de s’opposer à la remise en place des mesures sanitaires iniques qui ont eu un boulevard pendant les dernières années.
Mais aussi fermement opposée à Macron soit-elle, l’Assemblée n’empêchera pas le reste du pays de continuer sur sa désastreuse lancée.
Ce pays est foutu.
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