Comment une injure isolée, adressée au sieur Finkielkraut, génère en retour une haine de tous les Gilets Jaunes !
Article rédigé par Brigitte Bouzonnie + superbe lettre rédigé par Alain Badiou à Finkiekkraut
C'est du solide, du cousu main. De l'éternellement médiocre, manipulatoire. A partir d'un "sale juif" qui aurait été adressé à Alain Finkielkraut, par un petit salafiste de Mulhouse, "bien connu des services de Police"(sic). Mais circulant librement dans une manif de gilets jaunes, malgré tous les contrôles de polices préalables, et un nombre de flics à Paris "supérieur" au nombre de gilets jaunes, dixit Niemes, le grand Organisateur des "manifs déclarées"(sic). Donc, suite à cette injure isolée, tous les Gilets Jaunes seraient, je le dis bien sûr au conditionnel, de "sombres racistes", l'écume aux lèvres, le couteau entre les dents, forcément borderline, toujours sur le point de commettre du lourd, de l'irréparable.
Personne pour dire que Finkielkraut est toujours en vie, qu'il ne porte pas plainte : un rappel utile, élémentaire, vu l'Himalaya de pleurs/lamentations dont il fait l'objet depuis samedi.
On doit même arrêter les manifs le samedi. Éric Drouet et Jérôme Rodriguez sont obligés de poster une déclaration sur Facebook, condamnant tout acte antisémite : comme deux enfants pris le doigt dans le pot de confiture, promettant de ne plus jamais aller à la cuisine, en cas de petite faim nocturne. C'est indicible de bêtise, prolophobe à souhait. C'est la mise en scène publique d'un sadisme anti-Peuple non moins public, vis à vis d'une classe haie, chichement tolérée, le coeur lourd de ressentiment de ne pas la détester davantage.
C'est vrai que là, on en profite pour mettre le paquet contre la "France d'en bas" , comme disait déjà Raffarin, qui s’y connait en france d’en haut. La haine anti-populaire bat son plein, tournez manèges. Il ne reste plus à dire, sur le bûcher déjà dressé, que le célèbre mot de Pierre Desproges faisant dire à Jeanne d'Arc : "Mon Dieu, mon Dieu, baisse un peu le chauffage ! "(sic)...
Forcement, ça pense pas le Peuple. C'est abruti comme du bétail. On croise un intellectuel célèbre et boom ! Ça part aussi sec : le tas d'affects que nous sommes, femmes et hommes misérables que nous sommes, disait déjà Spinoza au XVIIème siècle, s'enrôle pour une cause maudite (propos racistes) de façon irrépressible, pavlovienne, comme sur pilote automatique. Le Peuple, ces "riens", "alcoolos", "illettrés", forcement, ça s'indigne en mal, ça pousse des cris indistincts, ça bave de haine, comme le rappelle délicatement le dernier numéro du Canard Enchaîné titrant : "Gilets Jaunes : sacs d'haineux" (sic).
Le Peuple, d'ailleurs il comprend rien, il ne soupçonne même pas qu'il y a quelque chose à comprendre. Le Peuple, ce n'est rien en définitive, sans Hanouna et Télé Macron, qui lui donnent des béquilles intellectuelles, dans leurs paroles impartiales.
Le Peuple ‘est tout, sauf de la Politique, des remugles, des songes, qui le travaillent du chapeau. Un rien mité, le feutre. Oublions le tout, Peuple et chapeau, nous dit le service de com' de Macron (Sibeth Ndaye).
Le Peuple, ca dit tout, ça veut tout, ça vote tout et son contraire, surtout, ca descend dans la rue tous les samedis, c'est vraiment du grand n'importe quoi ! Le Peuple vu, c'est pas beau, surtout jugé par la délicate Classe moyenne, en aplomb, en apesanteur du reste de la société. S'autorisant à jauger, juger seule le monde social, au nom de la croyance dans la toute-puissance de ses diplômes et de l'idéologie libérale apprise à l'hectolitre dans les écoles de journalisme friquées, lieux comme l'ENA, d'apprentissage forcené de la seule défense de la Classe dominante.
Petite-bourgeoisie éduquée, "gens travaillant dans les médias, et qui adhèrent aux normes et aux modèles dominants d'une culture "moyenne", qu'ils ne cessent d'élaborer et d'imposer en la diffusant" (sic) analyse avec lucidité Alain Accardo dans son ouvrage : "Le petit-bourgeois gentilhomme. Sur les prétentions hégémoniques des classes moyennes", édition Agone, 2009. Ce jugement "moyen" constitue un "horizon indépassable"(sic).
A l’opposé, on rappelle que, dans les années soixante, Sartre ne “voulait pas désespérer Billancourt” (sic), en faisait même une priorité. C’était le temps où la classe ouvrière était admirée, idolâtrée. "Sujet de l'Histoire". Parée alors de toutes les vertus. La détestation actuelle des classes populaires est donc historiquement datée avec le triomphe du libéralisme. Tout aussi incertaine, idéologique, que son immense admiration d'hier.
Je dis ça, je dis rien, afin que de restituer dans son époque la hargne politico-intello-médiatique contre le "populisme", justement dénoncée par Alain Badiou dans son très bon article : "Le racisme des intellectuels", Le Monde du 5 mai 2012. Le Peuple français est un minuscule point de la grande Histoire. Mais, il ne peut que générer en retour un régime politique diamétralement opposé au libéralisme. Un futur solidaire, avec un pouvoir à la base. Où chacun aura sa dignité d'être. Et l'on croquera gaiement la vie comme une grosse pomme....!
P.S. :LETTRE OUVERTE A ALAIN FINKIELKRAUT, par Alain Badiou
1)-Brigitte Pascall : je reposte la lettre rédigée par Alain Badiou à Alain Finkielkraut, où Badiou refuse de dialoguer avec ce philosophe pleurnichard. Je n'ai rien contre cette lettre magnifiquement rédigée, mais je trouve que Badiou consacre beaucoup de temps, beaucoup d'énergie à répondre à ce pseudo philosophe assez terne, juste épris de gloriole médiatique, comme tous les médiocres de sa promotion et les soit-disants "nouveaux philosophes" de sa génération.
D'aucun reproche à Badiou une supposée "soif de gloriole" : elle existe beaucoup plus chez Finkielkraut (curieusement présent tant à Nuits debout et dans une marche des gilets jaunes. De son côté, Badiou est extrêmement discret vis à vis du mouvement des gilets jaunes, estimant dans une interview, "qu'il est trop vieux pour s'occuper de cela"(sic).
On regrette profondément son silence, surtout à un moment où les événements (manif des gilets jaunes tous les samedis) donnent raison à toutes ses analyses politiques : élection, "piège à cons", faire de la Politique indépendamment du Parlement et de la "goche" bobo, celle qui n'a eu de cesse de trahir encore et encore les classes populaires. Justement, ce qui s'invente tous les samedis, c'est une autre façon de faire de la politique, sans élections truquées, sans directions syndicales corrompues, achetées à prix d'or, sans un personnel politique petit bourgeois, composé de professionnels de la politique, grassement payés (malheureusement, cet argument "parle" à beaucoup de responsbales polittiques), officiellement de "gôche", qui n'a eu de cesse de clamer sa prolophobie à tort et à tue tête.
Par ailleurs, que faisait Finkielkraut samedi dernier dans la manif GJ, avec BFM à un mètre de lui... ??? C'est ça la vraie question, au lieu de chercher des poux dans la tête de Badiou, très discret, trop discret à mon avis, depuis le 17 novembre... !!
2°)- Lettre rédigé par Alain Badiou : "Vous vous êtes mis vous-même dans une trappe obscure. Et je crois deviner que vous commencez à comprendre que là où vous êtes, ça sent le moisi, et pire encore."
Par Invité de BibliObs, publié le 18 avril 2016
A la fin 2009, le philosophe Alain Badiou avait accepté pour la première fois de débattre avec Alain Finkielkraut. Un dialogue publié dans "l’Obs", et qui fut à l’origine d’un livre paru l’année suivante: «l’Explication. Conversation avec Aude Lancelin» (éditions Lignes, 2010). Aujourd’hui il refuse ses invitations et s’en explique dans un courrier rendu public.
Lors des discussions, publiques et publiées, que nous avons eues naguère, je vous avais mis en garde contre le glissement progressif de votre position, et singulièrement de votre crispation identitaire, que je savais être à l’époque sans doute déjà très réactive, mais que je considérais comme loyale et sincère, du côté d’un discours qui deviendrait indiscernable de celui des extrêmes-droite de toujours.
C’est évidemment le pas que, malgré mes conseils éclairés, vous avez franchi avec le volume «l’Identité malheureuse» et le devenir central, dans votre pensée, du concept proprement néo-nazi d’Etat ethnique. Je n’en ai pas été trop surpris, puisque je vous avais averti de ce péril intérieur, mais, croyez-le, j’en ai été chagrin: je pense toujours en effet que n’importe qui, et donc vous aussi, a la capacité de changer, et – soyons un moment platoniciens – de se tourner vers le Bien.
Mais vous vous êtes irrésistiblement tourné vers le Mal de notre époque : ne savoir opposer à l’universalité, abstraite et abjecte, du marché mondial capitaliste, que le culte, mortifère dès qu’il prétend avoir une valeur politique quelconque, des identités nationales, voire, dans votre cas, «ethniques», ce qui est pire.
J’ajoute que votre instrumentation sur ce point de «la question juive» est la forme contemporaine de ce qui conduira les Juifs d’Europe au désastre, si du moins ceux qui, heureusement, résistent en nombre à cette tendance réactive ne parviennent pas à l’enrayer. Je veux dire, la bascule du rôle extraordinaire des Juifs dans toutes les formes de l’universalisme (scientifique, politique, artistique, philosophique…) du côté du culte barbare et sans issue autre que meurtrière d’un Etat colonial. Je vous le dis, comme à tous ceux qui participent à ce culte : c’est vous qui, aujourd’hui, par cette brutale métamorphose d’un sujet-support glorieux de l’universalisme en fétichisme nationaliste, organisez, prenant le honteux relais de l’antisémitisme racialiste, une catastrophe identitaire sinistre.
Dans le groupe des intellectuels qui vous accompagnent dans cette vilenie anti-juive, on me traite volontiers d’antisémite. Mais je ne fais que tenir et transformer positivement l’universalisme hérité non seulement d’une immense pléiade de penseurs et de créateurs juifs, mais de centaines de milliers de militants communistes juifs venus des milieux ouvriers et populaires. Et si dénoncer le nationalisme et le colonialisme d’un pays déterminé est «antisémite» quand il s’agit d’Israël, quel nom lui donner quand il s’agit, par exemple, de la France, dont j’ai critiqué bien plus radicalement et continûment, y compris aujourd’hui, les politiques, tant coloniales que réactionnaires, que je ne l’ai fait s’agissant de l’Etat d’Israël ? Direz-vous alors, comme faisaient les colons en Algérie dans les années cinquante, que je suis «l’anti-France» ? Il est vrai que vous semblez apprécier le charme des colons, dès qu’ils sont israéliens.
Vous vous êtes mis vous-même dans une trappe obscure, une sorte d’anti-universalisme borné et dépourvu de tout avenir autre qu’archi-réactionnaire. Et je crois deviner (je me trompe ?) que vous commencez à comprendre que là où vous êtes, ça sent le moisi, et pire encore. Je me dis que si vous tenez tant à ce que je vienne à l’anniversaire de votre émission (à laquelle j’ai participé quatre fois, du temps où vous étiez encore fréquentable, quoique déjà avec quelques précautions), ou que je participe encore à ladite émission, c’est que cela pourrait vous décoller un peu de votre trou. «Si Badiou, le philosophe platonicien et communiste de service, accepte de venir me voir dans la trappe où je suis» - pensez-vous peut-être - «cela me donnera un peu d’air au regard de ceux, dont le nombre grandit, qui m’accusent de coquetterie en direction du Front National.»
Voyez-vous, j’ai déjà été critiqué dans ce que vous imaginez être mon camp (une certaine «gauche radicale», qui n’est nullement mon camp, mais passons) pour avoir beaucoup trop dialogué avec vous. Je maintiens, sans hésitation, que j’avais raison de le faire. Mais je dois bien constater, tout simplement, que je n’en ai plus envie. Trop c’est trop, voyez-vous. Je vous abandonne dans votre trou, ou je vous laisse, si vous préférez, avec vos nouveaux «amis». Ceux qui ont fait le grand succès des pleurs que vous versez sur la fin des «Etats ethniques», qu’ils prennent désormais soin de vous. Mon espoir est que quand vous comprendrez qui ils sont, et où vous êtes, le bon sens, qui, si l’on en croit la philosophie classique, est le propre du sujet humain, vous reviendra.
Alain Badiou