Comment Alain Badiou s’est vu priver de ses relais médiatiques par la Macronie, suite à la publication de son livre « le coup d’état démocratique de Macron », 2017 !
Version n°3 : Article rédigé par Brigitte Bouzonnie le 21 juillet 2024
Au départ, nous nous appuyons sur l’excellent article rédigé le 16 mai 2005 par Cédric Housez pour le site Réseau Voltaire : l’auteur pointe l’importance des réseaux d’influence soutenant BHL et de Finkielkraut, qui leur assurent une « puissance » intellectuelle réelle, indépendamment de la vacuité totale de leurs livres. Bernard Henri Lévy et Alain Finkielkraut existent principalement grâce à leur capacité à se faire entendre dans les médias.
Par exemple, Cédric Housez s’appuie sur l’analyse de la couverture médiatique de son film : Le jour et la nuit. Avant même sa sortie, le film donne lieu à quantité d’articles et fait même la une de Paris Match, du Figaro Magazine, du Point [21] et de L’Évènement du Jeudi [22]. qui possède alors en partie Paris Match. Les dirigeants de L’Évènement du jeudi font leur « une » sur le film. Présentent un carnet de tournage. Une interview du réalisateur. Une autre de Maurice Jarre, auteur de la Bande originale, et publie un « Pour/Contre ». La partie « Pour » est assuré par Yann Moix, auteur Grasset (où BHL est éditeur.
De la même façon, nous souhaitons montrer dans cet article, comment le philosophe Alain Badiou bénéficie d’un relais médiatique important au cours de la période 2007-2017. Ce n’est pas moi qui le dit, mais Aude Lancelin dans son livre Un monde libre, édition Les liens qui libèrent, 2016, où elle raconte son licenciement-sanction de l’Obs.
Elle écrit : “Ainsi Badiou, en moins d’une année, succès de son livre : De quoi Sarkosy est-il le nom ?, est-il passé, pour le petit peuple des éditorialistes, du statut sans conséquence d’Hibernatus congelé dan une époque sanglante (les années rouges post-68ardes) à celui de menace intellectuelle tout à fait présente. Et de pointer son nouveau titre d’intellectuel faisant partie des trois/quatre penseurs français à être le plus invité dans les médias de l’hexagone.
1°)- Badiou, l’un des penseurs les plus invités des médias : l’âge d’or : 2009-1016 :
Force est de constater la forte présence de Badiou dans les médias du pouvoir comme dans les médias alternatifs : n’est-il pas invité en 2007 dans “Le monde des Idées” de Plénel sur LCI dans une interview rugueuse, à la limite de la violence physique, dont je me souviens comme si c’était hier et dont je suis sortie éberluée. Dans cet entretien musclé, le futur directeur de Médiapart, en bon porte-étendard de l’anticommunisme téléguidé par la CIA, lui assène des critiques répugnantes, tout à fait dans le genre de son auteur. Du livre, “De quoi Sarkosy est-il le nom”, il n’est bien sûr jamais question. Vinrent ensuite des entretiens plus calmes, où Badiou est même annoncé triomphalement. Cérémonieusement comme s’il était un empereur : c’est le cas dans Le Monde, où il publie un article collector sur l’électorat du FN : montrant comment le pauvre électeur frontiste est considéré par le petit monde parisien comme “le pelé, le gâleux, le tondu”(sic). Libération avec Laurent Joffrin. BFMTV (si, si). C politique sur la 5. France Inter. France Musique, où il parle de ses goûts pour Offenbach et pour Lohengrin de Wagner. France Culture avec Laure Adler, qui lui consacre une semaine entière, soit 5 émissions d’une heure chacune. Bien sûr, on le voit sur le plateau de Ce soir ou jamais avec Frédéric Taddei, où il multiplie les passages d’anthologie contre le suffrage universel et la démocratie. Canal + (chaine Clique), deux vidéos, l’amour et la haine qui atteignent le million de vues. France Télévision avec Claude Askolovitch, toujours pour dénoncer avec brio la règle du suffrage universel. Le festival d’Avignon ( le vrai pas le off), où il parle de l’amour, à partir de son célèbre ouvrage : Eloge de l’amour, édition Flammarion, 2009. Sans oublier ses conférences à l’Ecole normale supérieure, notamment sur la condition de fille, un week end du 3 mai 2016, où, contrairement aux attentes, la salle est plein à craquer.
Sans oublier bien sûr l’université de Vincennes et le Collège international de philosophie, où Alain Badiou a longuement professé.
La raison de ce soudain changement d’attitude ? Alain Badiou vend ses livres mieux que les autres : 270 000 exemplaires pour son ouvrage De quoi Sarkosy est-il le nom ? Avec des lecteurs allant du vieux/vieille-soixante-huitard(e) non repenti(e) aux lycéens de Terminale, comme on le voit sur une vidéo de Badiou présentant son livre sur Sarkosy en 2009. Derrière lui, on voit une lycéenne aux bonnes joues de l’enfance, qui rigole quand c’est amusant. Sérieuse dans les autres moments : bref, qui comprend parfaitement les analyses du philosophe, au demeurant limpides, dans un style rhétorique du plus grand classicisme : ce qui ne va pas de soi, pour qui a du lire par obligation le sociologue Pierre Bourdieu.
Autre raison des amabilités et des courbettes que l’on fait soudain à Alain Badiou : son succès indéniable à l’étranger, en Europe (Italie, Grèce, Grande Bretagne), mais aussi aux Etats-Unis, où il fait des conférences à succès. Et où ses livres se vendent très bien. Aux Etats-Unis toujours, on voit de jeunes commentateurs des idées de Badiou réaliser des vidéos, que chacun peut consulter sur youtube, signe s’il en était besoin de l’intérêt qu’il suscite outre Atlantique. Sans oublier la conférence organisée par la Birbeck University, prestigieuse faculté, réunissant en 2009 Tonio Negri, Slavoj Zizek et Alain Badiou sur l’avenir de l’idée communiste. 900 étudiants accourent de l’Europe entière avec carnet à spirale pour les écouter religieusement.
Malheureusement, Alain Badiou va perdre en moins d’un an tous ses réseaux d’influence avec la triste année 2017.
2°)- Le tournant de l’année 2017 :
En 2017, Badiou fait l’objet d’une censure grave. En effet, au mois de mai 20217, sur la chaine Public Sénat, et avec beaucoup de courage, Badiou analyse l’élection de Macron comme un « coup d’état démocratique » (sic). Terme qu’il reprend dans son livre intitulé : « Eloge de la Politique« , édition Café Voltaire/Flammarion, publié au mois de septembre 2017.
Commence alors la promotion de son livre, qui, au début, se passe très bien. Ainsi, il participe à l’émission C. Politique du 4 octobre 2017, où il remet courageusement en cause la légitimité de Macron. C’en est trop pour la Macronie, qui se venge : tous ses passages média restants sont supprimés. Le Pouvoir oblige Badiou à taire. Fin du premier acte.
Et ensuite, on trouve que Badiou est moins “allant”, moins “critique” vis à vis du pouvoir en place. “Trop planqué à l’université”, disent certains, alors que c’est le pouvoir macronien, qui est directement responsable de ses silences obligés. Qui le placardise depuis sept ans : 2017-2014. Autrefois, lorsqu’un intellectuel déplaisait, on l’envoyait à la Bastille. Aujourd’hui, on lui coupe tous ses passages médias : et c’est malheureusement ce qui arrive à Alain Badiou, dès la fin de l’année 2017.
Comme dit avec lucidité Coluche : «Si la Gestapo avait les moyens de nous faire parler. Aujourd’hui, le pouvoir a les moyens de nous faire taire »(sic).
Finis les grands passages médias, dont bénéficiait le philosophe. Du jour au lendemain, il est mis au pain sec et à l’eau. Ses seules vidéos sont celles de la Commune du Théâtre d’Aubervilliers, où il a ses entrées depuis toujours. Sur Youtube, elles donnent lieu à 2100 vues pour le dernière dU 13 juin 2024 : tout le contraire par exemple des vidéos de Badiou chez Frédéric Taddei !
Voilà comment en le privant de ses passages dans des médias qui comptent, on tue à petit feu un intellectuel français de renom. Mais le pire est que personne ne moufte, sauf pour “le trouver moins allant”(sic), ce qui est tout de même le comble de l’hypocrisie.
Mais comme dit si bien l’adage : “tombé très bas, on peut toujours tomber plus bas”. De façon très modeste, je continue de poster des vidéos et articles d’Alain Badiou. Le 16 juillet 2024, après-midi, je poste la vidéo de Public Sénat, mai 2017, où Alain Badiou débat avec Olivier Mongin, ex-directeur de la revue Esprit. Dans cette intervention, Alain Badiou analyse avec lucidité l’arrivée de Macron à l’Elysée comme “un coup d’état dans les formes démocratiques du suffrage universel”. Le lendemain 17 juillet au matin, Tatiana Ventôse sort une vidéo parlant de “coup d’état de Macron”(sic) ! Idem pour Ciotti affirmant qu’il y avait eu un “hold up démocratique”(sic). C’en est trop ! (sic). Si on m’avait dit un jour, que les idées de Badiou finiraient en ”punchlines” misérables portés par des seconds couteaux de la politique : je n’aurais jamais voulu le croire ! Encore une fois, un tel plagiat répugnant n’est possible, que parce que Badiou est rangé des médias dominants.
Comme dit la chanson d’Eddy Mitchell : “et je connais le destin d’un cinéma de quartier” (La dernière séance).
De la même façon:
“Et je connais le destin d’un grand intellectuel français,
“Il finira en “punchlines”, titre volés, filoutés,
“C’était vraiment bien l’enfance (à vouloir changer le monde)
“Et le rideau sur les années rouges (post-68ardes) est tombé”.