Classe moyenne : ses enfants se déclassent...!
Article rédigé par Brigitte Bouzonnie en 2016, mis à jour en 2022
Louis Chauvel a publié un ouvrage intitulé : "La spirale du déclassement. Essai sur la société des illusions" aux éditions du Seuil, 2016. Selon ses travaux, on assiste a un déclassement de la classe moyenne, à travers les enfants de cette classe, jusqu'alors privilégiés. Ces derniers ont du mal à s'insérer durablement sur le marché du travail. Les craintes de Louis Chauvel sont justifiées. 190 000 jeunes débarquent chaque année sur le marché du travail (chiffre de Matthieu Plane de l'OFCE). La création d'emplois durables ne suit pas : 57 000 emplois crées en 2015, dont 91% en CDD.
Autre contradiction énorme : cette jeunesse est très diplomée : Pendant des décennies, 10% seulement d'une génération avait le BAC et poursuivait des études. Aujourd'hui, le taux d'obtention du BAC est de 60 a 80%. Elle trouve donc inacceptable cette situation de non emploi qui lui est faite...!
La supposée "embellie" sur le front du chômage pointée par l'INSEE, sous tutelle de Bercy, on en le répètera jamais assez, est un mensonge grossier. Si le nombre de chômeurs sans emploi diminue effectivement, en revanche, le nombre de chômeurs en formation (cf plan 500 000 formations du Gouvernement) ou en contrat aidé augmente d'autant. La question de la création suffisante d'emplois en CDI reste entière.
Dans un billet de 2016, l’économiste Jacques Sapir expliquait de façon très précise ce pur transfert de chômeurs d'une catégorie à une autre : en aucune facon, une diminution reelle du nombre total de chômeurs...! Allons plus loin : il est évident que les chômeurs, mis d'office en formation début 2016, vont hélas réintégrer la catégorie A, à la fin de l'annee, une fois leur formation terminée. Donc l'idee de faire "disparaitre" 500 000 chomeurs, comme le souhaite le Gouvernement, est un pur jeu d'écriture, qui, de surcroit, va se retourner contre ceux qui l'ont imaginé.
Le travail de Louis Chauvel réhabilite l'analyse des classes sociales, pour comprendre notre société 2016. Vient combler un vide. Si, pour certains intellectuels comme Emmanuel Todd, la classe moyenne est perçue comme "raciste", "alliée à l'oligarchie". Confisquant la presque totalité des richesses de la planète. Formant avec cette dernière un bloc social historique conduisant à une société immobile, une "Belle au bois dormant"(sic).
Cette analyse est stimulante, mais elle revient à penser la Classe moyenne de façon a-historique, a-économique. Todd ne fait pas le constat majeur selon lequel cette classe moyenne se paupérise partiellement, à travers la prochaine génération. Et n'a plus, pour certaines fractions de cette classe, aucun intérêt à faire alliance avec la Classe dirigeante française, directement responsable de cette paupérisation. On n'imagine pas les gamins de 20 ans, sans emploi, sans ressource, tresser des lauriers à l'oligarchie responsable de cette absence chronique de création d'emplois.
Les jeunes ont changé. Les slogans des jeunes anti-Khomri montrent une redécouverte de la question sociale : "notre futur remplacé par "no futur" ; "PS : chose promise, chomedu" ; "Pour ceux d'en haut des couilles en or, Pour ceux d'en bas, des nouilles d'abord !" "Ni chair à patron, ni chair à matraque". "Les vieux dans la galere, les jeunes dans la misere". “Nos rêves sont trop grand pour rentrer dans vos urtnes”. “Regarde ta Roleix, c’est l’heure de la Révolte”. Comme on est loin de la passivité des "Bof générations" passées, uniquement préoccupées de consommer et de faire carrière ? Ou encore d'une jeunesse tout juste "écolo” concernée : encore s'agissait-il d'une écologie non politisée.
Mieux encore, Greg Oaxley, théoricien marxiste de La Riposte, courant du PCF, écrit à juste titre : "on assiste à un étonnant retour au marxisme des jeunes, du à leurs difficultés économiques". Le philosophe Alain Badiou développe une analyse voisine dans son dernier ouvrage "La vraie vie", édition Flammarion, septembre 2016 : "J'ai donc vu partout dans le monde l'esquisse de l'alliance dont je vous parle. Comme à saute-mouton, la jeunesse semble devoir sauter aujourd'hui par dessus l'age dominant, celui qui va en gros de 35 à 65 ans, pour constituer avec le petit noyau des vieux révoltés, des non résignés, l'alliance des jeunes désorientés et des vieux baroudeurs de l'existence" (sic).
Autrement dit, les jeunes sortent du bloc historique de la Classe dirigeante + Classe moyenne, pour participer à l'esquisse d'un nouveau bloc historique avec les Classes populaires + petites Classes moyennes. Et c'est évidemment cette démarche, que le regroupement “Pouvoir au Peuple” soutient de toutes ses forces.
Le mondialisme agonise. Profitons en pour faire émerger notre programme politique en 35 points rédigé par Philippe Meens, Dominique Kern et moi. Nous proposons notamment la suppression de tous les députés et sénateurs. La rédaction d’une nouvelle Constitution aux rond points des Gilets Jaunes, esquisse d’un double pouvoir, qui à terme gouvernera seul le pays. Un emploi correctement rémunéré pour chacune, chacun, un grand plan de rattrapage salarial. Et le blocage du prix de toutes les énergies sur le modèle de la IVème République, qu’on se le dise !
Comme on disait dans les années 70 :
ON A RAISON DE SE REVOLTER !
Je ne comprend pas pourquoi un discours sur le chômage ne tient pas compte de ce que dit Yuval Noah Harari à propos des trois quarts de la force de travail qui sera remplacée par des robots et de l'intelligence artificielle d'ici quelques années. Et qui se demande ce qu'on fera de toutes ces « bouches inutiles ».
On ne peut pas parler de faire baisser le chômage sans d'abord confronter le projet de remplacer la majorité des travailleurs par des machines.