Cet étrange retour à Camus promu «philosophe», en lieu et place de Jean-Paul Sartre, opération voulue par la CIA !
Article rédigé par Brigitte Bouzonnie le 6 juillet 2023
Sans les années quatre-vingt, sous la houlette du Nouvel Observateur à la manœuvre, on assiste, non seulement à la mise à mort symbolique de JP Sartre, mais aussi à la promotion du non philosophe Albert Camus, sensé prendre la place de l’intellectuel total joué par le philosophe Sartre tout au long de sa vie. L’atlantiste Jacques Julliard rédige un grand article dans le Nouvel Obs intitulé : « cet étrange retour à Camus »(sic), où le journaliste pare l’auteur de « l’étranger » de toutes les vertus philosophiques qu’il n’a pas, vu qu’il ne figure pas au programme de Terminale de philosophie, aux côtés de Kant, Spinoza, Nietzsche, Platon, Hégel, Heidegger…. Camus n’est qu’un romancier pour les lycéens de seconde. Mais il a l’immense « avantage » sur Jean-Paul Sartre d’être un auteur anti-communistes : tout le contraire du père de l’existentialiste, compagnon de route du Parti Communiste Français depuis 1945.
L’oeuvre et l’action d’Albert Camus n’est pas un tout monolithique. Tout oppose le jeune journaliste d’Alger républicain, entré courageusement dans la Résistance en 1943. Il devient le responsable du journal quotidien « Combat » du groupe Combat fondé en 1941 par Henry Frénay et Claude Bourdet, afin de contrebalancer l’influence de Louis Aragon au Parti communiste. Faire « de la résistance culturelle » (sic). Camus rencontre Bourdet dans un café à Lyon en 1943, et noue tout de suite avec ce dernier une grande amitié. On rappelle que l’engagement à Combat est extrêmement périlleux : Berty Albrecht est torturée par la Gestapo et se suicide pour ne pas donner le nom de ses amis. Claude Bourdet est envoyé dans le triste camp de concentration de Dachau. Il aurait suffi d’une dénonciation, pour que la vie de Camus bascule dans la mort, qui attend hélas bon nombre de résistants de cette époque.
A la Libération, Albert Camus s’engage pleinement pour inventer une nouvelle presse libre. Ne disait-il pas alors ? « Elever les mots, c’est élever la vie, les esprits » ! Il reçoit le prix Nobel en 1957. Dans son discours de réception du prix Nobel, il a ces mots inoubliables : “notre génération sait qu’elle ne refera pas le monde, mais elle s’efforcera d’empêcher de la défaire”(sic). Cette citation hors contexte est présentée comme la quintessence de la pensée de Camus, alors que toute sa vie a été une vie de combat, notamment pendant la Résistance et au risque de sa vie, est une vie d’engagement à essayer de changer le monde : tout le contraire de cette phrase défaitiste d’acceptation implicite de l’immobilisme social.
Naturellement, c’est ce second et tardif Camus, violemment anti-communiste, qui est promu par Le Nouvel Obs dans les années quatre-vingt, années on le rappelle de reflux du nombre de mobilisations nationales et de journées individuelles non travaillées pour fait de grève. On rappelle que Le Nouvel Obs est un journal manipulé par la CIA, qui est derrière cette promotion inattendue de Camus au statut d’intellectuel total, que ce bon romancier, auteur de pièces de théâtre n’a jamais été.
Donc le retour à Camus n’est pas aussi « étrange » que le suppose le titre de l’article de Julliard. Il a été décidé par la CIA en toute connaissance de cause.
Jacques Pauwels rappelle le rôle joué par les actions subversives de la CIA pendant la guerre froide, afin de promouvoir des auteurs non communistes. Il écrit : « La CIA orchestra contre le communisme une offensive intellectuelle et culturelle à laquelle d’innombrables intellectuels, écrivains, artistes, anciens communistes, trotskistes, sociaux-démocrates, et autres figures de la gauche prêtèrent leur concours. Les intellectuels dont on sait maintenant qu’ils furent financés et promus par la CIA, furent notamment Georges Koestler, Isaich Berlin, Sidney Hook, Daniel Bell, Hannah Arendt, Raymond Aron et Arthur Koestler. Souvent, ils reçurent pour cela de susbtantielles rémunérations et/ou toutes sortes de tapes amicales sur l’épaule, qui firent un bien énorme à leur carrière. Un bon exemple est Georges Orwell, avec ses livres 1984 et la ferme des animaux (cf livre de Frances Stonor Saunders : who paid the piper : the CIA ans the cultural Cold War), cité par Jacques Pauwels dans son ouvrage : « 1914-1918, La grande guerre des classes, édition Delga, 2016).
Naturellement, Camus fait partie de cette offensive d’auteurs non communistes promus après-guerre : ne reçut-il par le prix Nobel pour l’ensemble de son oeuvre ? N’est-il pas un des auteurs français le plus traduit dans le monde ? Et « ressorti » par la CIA dans les années quatre-vingt, violemment anti-communistes, dont on reconnait le mode opératoire consistant à « fusiller » les auteurs communistes et progressistes comme Jean-Paul Sartre. Pour mettre à la place des auteurs inoffensifs, à la solde de la CIA comme le Camus d’après-guerre.
En conclusion, on assiste à une mise à mort de la culture française classique : romans et ouvrages de philosophie. Idée d’ailleurs très répandue dans l’édition anglo-américaine. A partir des années 1970, Il est patent d’observer le déclin des romans humanistes flamboyants, comme ceux de Michel Tournier, première manière (avant qu’il ne devienne le courtisan de mitterrand à partir des années quatre-vingts), tandis que s’affirme l’hégémonie étatsunienne. Et qu’apparaissent de nouveaux « auteurs » de faible qualité, promus ensous-main par la CIA : Marie Darrieussecq. Annie Ernaux. Sylvie Germain. Emmanuel Carrère. Amélie Nothomb. Muriel Barbery. Patrick Chamoiseau. Antoine Volodine. Jonathan Littell. Jean Rouaud. Maryse Condé. Mongo Béti. René Depestre. Virginie Despentes….
Naturellement, reste le cas du philosophe Alain Badiou, dont les succès de vente bien sûr, tant en France (De quoi Sarkosy est-il le nom vendu à 270 000 exemplaires) qu’aux Etats-Unis ne participe pas, mieux encore est en nette rupture avec cette longue et triste dégringolade du niveau intellectuel de nos romans et ouvrages philosophiques observée depuis quarante ans. Alain Badiou est la butte témoin de « l’ancien monde » culturel. Tout comme Jean-Paul Sartre, Badiou est un « intellectuel total », capable de parler politique et amour, poésie et mathématiques, histoire et crise actuelle de la jeunesse. Dans la mise au rancart de notre culture classique, voulue sciemment par les dirigeants américains, Badiou est un « malentendu », un « heureux malentendu », dont on ne peut bien sûr que se réjouir. Et dont le succès ne peut s’expliquer que par la demande populaire existant toujours en France d’ouvrages de critique sociale de grande qualité. Badiou est le caillou dans la chaussette, qui empêche notre culture d’être totalement aseptisée et insignifiante.
De son côté, le philosophe Alain Badiou dénonce à juste titre “la liquidation de tout ce que représentait l’intelligentsia française révolutionnaire, du point de vue mondial” (sic) (cf Eloge de la politique, édition Café Voltaire/ Flammarion, 2017). Opération menée sous la houlette des “nouveaux philosophes”, type BHL. La liquidation de l’intellectuel français révolutionnaire est “une façon de dire aux américains, que “chez nous côté pensée révolutionnaire, c’est cuit”(sic).
La liquidation de la littérature classique humaniste par la promotion de non écrivains médiocres est une façon de priver le Peuple français de sa spécificité culturelle. Et de son passé glorieux sur le plan culturel. D’en faire un peuple médiocre comme les autres : carburant à la culture américaine à deux neurones. Aujourd’hui, rien ne différencie les pratiques culturelles d’un français d’un américain ou d’un espagnol, chacun communiant dans la culture de la tech et du tweet de 140 signes.
Comme écrit Montalembert : "les grandes histoires font les grands Peuples”(sic). Inversement, la privation de l’histoire et de la culture spécifique transmue le Peuple français en Peuple médiocre, petit. Fragilisé. Insignifiant. Décadent. Sans aspérité particulière.
Et le pire, ce sont les ricanements des français eux-même, qui accompagnent cette mise à mort culturelle que nous subissons tous.