Avec la Bérézina des Présidentielles 2017, la chute de la maison Cambadélis !
Article rédigé par François-Xavier Bourmaud le 12/06/2017 pour Le Figaro
Enfin à la tête du PS. Le projet d'une vie. Des années que Jean-Christophe Cambadélis en rêvait, attendait ce moment. Tenir enfin entre ses mains la Rue de Solférino. Diriger un parti politique. Organiser la gauche. Frayer avec le pouvoir. Grâce à Harlem Désir, ce moment arriva en avril 2014 lorsque, sur fond de dérouillée électorale des socialistes aux municipales, François Hollande décida de tout changer. Son premier ministre, son gouvernement, son parti. Exit Harlem Désir, patron pâlot du PS, désigné premier secrétaire par les bonnes grâces et les grandes manœuvres de Martine Aubry après l'élection présidentielle de 2012. Place à Jean-Christophe Cambadélis, le tacticien matois surnommé par ses pairs O'Malley, le chat de gouttière des Aristochats, pour ses capacités à toujours retomber sur ses pattes.
1997, première chute. Appelé à Matignon par Jacques Chirac après la dissolution ratée, Lionel Jospin lui préfère François Hollande pour diriger le parti. Jean-Christophe Cambadélis se rattrape chez Dominique Strauss-Kahn dont il devient le premier lieutenant et l'accompagne jusqu'à sa candidature à la primaire du PS de 2007 face à Ségolène Royal. Laquelle perd la présidentielle, mais tente ensuite de s'emparer du parti. Pour lui barrer la route, Jean-Christophe Cambadélis s'allie alors avec le fabiusien Claude Bartolone pour porter la candidature de Martine Aubry. Ce sera le congrès de Reims de 2008 et ses soupçons de fraude massive. Une victoire, aussi, puisque la maire de Lille se retrouve à la tête du PS avec la présidentielle de 2012 en ligne de mire.
Petite traversée du désert
Artisan de l'élection de Martine Aubry, Jean-Christophe Cambadélis prépare surtout le retour en France de Dominique Strauss-Kahn, parti diriger le FMI. 2011, nouvelle chute d'O'Malley sur fond de scandale planétaire au Sofitel de New York. Exit DSK, place à François Hollande. Lequel ne se gêne pas pour faire payer à Jean-Christophe Cambadélis son engagement strauss-kahnien. Il sera le pestiféré du début du quinquennat hollandais. Il espérait récupérer le PS, Harlem Désir s'installa à sa place.
Petite traversée du désert. Jusqu'en 2014, donc. Cette fois c'est la bonne pour Jean-Christophe Cambadélis. Après toutes ces années de manœuvres en coulisses, il atteint enfin son but et s'installe à la tête du PS. Dans les réunions hebdomadaires du bureau national, il trône tel un sphinx. Il en impose. Lorsqu'il parle, on l'écoute. Il a le sens de la formule, aussi. Le PS? «Le parti des deux Gégé», plaisante-t-il. Gérard Filoche et Gérard Collomb, la gauche de l'aile gauche et la droite de l'aile droite. Irréconciliables à jamais. Une boutade en forme de diagnostic du mal qui ronge le PS et qui va le mener à sa perte. Mais Jean-Christophe Cambadélis ne s'en préoccupe pas plus que ça. Après tout, on a toujours fait comme ça au PS. Semblant de s'entendre. D'ailleurs, il faut organiser le rassemblement de la gauche en vue de la présidentielle de 2017. Pas simple. Tout le monde se hait.
La Belle Alliance populaire, un Meccano censé porter une nouvelle candidature de François Hollande à l'Élysée...
Jean-Christophe Cambadélis veut dépasser tout ça. Il a une idée. Reproduire la gauche plurielle qu'il avait bâtie pour Lionel Jospin en 1997. Les socialistes, les communistes, les écologistes main dans la main. Ça avait marché il y a vingt ans, donc ça marchera vingt ans plus tard. Ce sera la Belle Alliance populaire (BAP). Un Meccano censé porter une nouvelle candidature de François Hollande à l'Élysée. Au bout du compte, un fiasco total. Le quinquennat du président de la République se délite. La gauche s'éparpille. Le PS se déchire. Autour de lui, Jean-Christophe Cambadélis ne parvient qu'à agglomérer des groupuscules totalement inconnus, voire bâtis juste pour l'occasion.
La BAP peine à faire illusion. Jean-Christophe Cambadélis convainc pourtant François Hollande de le laisser organiser une primaire dans ce cadre. Le seul outil pour le relégitimer plaide-t-il. Le président de la République laisse faire. Il ne pourra même pas y participer. De la primaire jaillit Benoît Hamon, le candidat socialiste. 6 % à la présidentielle. Presque autant que Jean-Christophe Cambadélis au premier tour des législatives un mois plus tard. Éjecté après vingt ans de mandat. Dimanche soir, le patron du PS a constaté que les élections avaient été «marquées par le recul sans précédent de la gauche dans son ensemble et notamment du PS». Son bilan, la dernière chute d'O'Malley.