Alain Badiou : "l'Etat a fini par imposer que la manifestation tourne en rond"(sic)
Article rédigé par Alain Badiou et Brigitte Bouzonnie le 13 novembre 2016
1)- Alain Badiou, 22 septembre 2016 dans Politis : "Dans le passé, les gouvernements étaient au fond d'accord avec l'idée qu'une fois atteint un certain degré d'ampleur des mobilisations, il leur fallait reculer. Ils ne le pensent plus aujourd'hui. Je pense que c'est d'abord parce que tout le monde (ou presque) partage l'idée qu'un autre monde n'est pas possible. S'il n'y a pas à l'horizon une possibilité qui fasse peur à l'adversaire, celui-ci reste dans la conviction qu'il n'y a qu'à attendre et que ces gens qui contestent se fatigueront avant lui.
L'Etat est plus patient que n'importe qui. Il contient les choses, envoie ses flics par-ci par-là, laisse les gens bavarder...Il a même fini, ici, par imposer que la manifestation tourne en rond. Or, le fait que cette chose ait pu avoir lieu n'est pas bon signe : que le gouvernement propose cela, passe encore, mais que les gens s'y soient pliés, c'est tout à fait incroyable"(sic). (Lu ce texte sur le site "Compagnie Jolie môme".
2)-Brigitte Bouzonnie : Dans le passé, les gouvernements reculaient, dès qu'une mobilisation prenait de l'ampleur. Par exemple, on sait que Pompidou ne dormait pas de la nuit en 1967, parce que le chômage atteignait 400 000 demandeurs d'emploi. Et qu'ils craignaient les explosions sociales qui allaient forcément en découler. Aujourd'hui, la règle du jeu est totalement modifiée et codifiée : avec la mobilisation contre la loi Khomri, on a compté 14 journées nationales de mobilisation. +grèves dans les raffineries et centres de traitement des déchets. Une très belle mobilisation ou la jeunesse était présente avec les syndicats de salariés. Toutes les conditions étaient réunies pour que le projet de loi soit retiré.
Pourtant l'Etat fragilisé n'a pas cédé. Il a inventé la manif au rabais, ou les participants étaient fouilles, gazés, enfermés dans une nasse, mis en examen. Imposant des parcours burlesques ou la manifestation tournait en rond, comme l'explique très bien Alain Badiou. Ce qui m'a le plus étonnée dans cette affaire, c'est l'acceptation de ces conditions hyper humiliantes par Martinez et Mailly, alors officiellement très remontés contre le projet de loi Khomri. Alors que c'était tout simplement notre droit constitutionnel de manifester, et de former des rassemblements spontanés, qui étaient profondément remis en cause et vidé de sa substance.
De plus, le "manifestant" pacifique, figure classique du champ social depuis 150 ans (loi de 1884 reconnaissant les rassemblements) est transmué en "délinquant" qu'on fouille et qu'on envoie au commissariat le cas échéant.
Au cours de l'été 2016, on en a parlé à plusieurs reprises sur Facebook, et cela n'a intéressé personne (sauf Domi, mes potes habituels) : alors que ce problème, en apparence juridique, est la clef d'une mobilisation réussie.
La suite du combat social, c'est à dire l'échec à l'automne 2017 de la mobilisation contre la réforme du code du travail est dûe en grande partie à des directions syndicales (corrompues ?) qui préfèrent négocier que manifester.
Alain Badiou pense que l'absence d'une autre proposition politique explique le succès de l'idéologie capitaliste devant laquelle il n'y a aucune alternative. "Avec la fin de l'idéologie communiste, "on est passé du DEUX au UN. "Ça c’est fondamental. Ce n' est pas la même chose quand, sur un même sujet, il y a deux questions en conflit, et quand il n'y en a qu'une" (sic) (extrait de son ouvrage "Notre mal vient de plus loin, Penser les tueries du 13 novembre", édition Flammarion, 2016).
Voilà pourquoi nous avons créé une nouvelle proposition politique intitulée : le rassemblement "Pouvoir au Peuple", réunissant les "insoumis critiques", les "franchement critiques", le courant interne/externe "Rupture, Pouvoir aux insoumis", le Pôle pour la Renaissance du Communisme Français (PRCF), le Pardem et le Conseil National Souverain et pour la Justice Sociale, afin de créer du neuf en politique. Nous avons rédigé un programme politique comprenant 55 propositions originale, qui réclame notamment une vie décente pour chacun. Et critique vertement la mise à mort de notre droit de manifester imposée par la dictature actuelle.
PAS ASSEZ DE GENS QUI CE REVOLTE IL FAUT DES MILLIONS