ALAIN BADIOU : LA MORT PAR LA POLICE D'UN JEUNE VOLEUR...!
Texte rédigé par Alain Badiou dans "Le réveil de l'Histoire", édition Lignes, 2012, où le philosophe prend la défense d'un jeune voleur, tué par la Police.
1°)- Brigitte Bouzonnie : Voici un très beau texte d'Alain Badiou, analysant la mort par la Police d'un jeune voleur "bien connu des services de police"(sic) susurrait ce matin la préfète de Loire-Atlantique, dans une circonstance identique. Tout à fait d'actualité, vu le décès du jeune nantais par un tir de CRS cette nuit. On retiendra la sincérité du propos. Avec ceux qui jouent double-jeu en permanence, multipliant les fausses promesses, et dont j'attends encore l'argent de mon livre, cela fait une moyenne... !
2°)-Alain Badiou : "Dans ces processus où l'Etat montre sa face la plus hideuse, se forge un consensus non moins détestable autour d'une conception particulièrement réactive, qu'on peut résumer ainsi : la destruction ou le vol de quelques biens dans la fureur de l'émeute est infiniment plus coupable que l'assassinat policier du jeune homme, assassinat qui est à l'origine de l'émeute. Très vite, le gouvernement et la presse chiffrent les dégâts. Et voici l'idée visqueuse que tout cela répand : la mort d'un jeune homme -un voyou noir- est infiniment moins importante au regard de toutes ces dépenses supplémentaires. Pleurons, non sur le mort, mais sur les compagnies d'assurance. Contre les gangs et les voleurs, montons la garde, au coude à coude avec les gendarmes, devant notre patrimoine convoité par une racaille étrangère à nos valeurs, hostiles au POL (patrimoine, Occident, Laïcité), puisqu'elle est démunie (pas de patrimoine), venue d'Afrique (pas d'Occident), et islamiste : pas de laïcité.
On affirmera ici, à contrario, que la vie d'un jeune homme est sans prix, et d'autant plus qu'il est l'un des innombrables abandonnés de notre société. Considérer que le crime intolérable est de brûler quelques voitures, et de piller des magasins, alors que tuer un jeune homme est anecdotique, est typiquement conforme à ce que Marx considérait comme l'aliénation centrale du capiatlisme : le primat des choses sur l'existence, des marchandises sur la vie, et des machines sur les ouvriers, qu'il résumait de la formule : "le mort saisit le vif". De cette dimension mortifère du Capitalisme, Cameron et Sarkosy sont les flics pleins de zèle" (sic) (extrait de : "Le réveil de l'Histoire", édition Lignes, 2012).