Alain Badiou analyse l'ouvrage de Piketty : "Le capital au XXIème siècle"..
Médiapart, Contre-courant, émission animée par Aude Lancelin, Alain Badiou, qui reçoivent Thomas Piketty, 2017
Dans ce débat organisé l’émission contre-courant, Alain BADIOU analyse et commente de façon très lucide l'ouvrage de Thomas PIKETTY : "Le Capital au XXIème siècle", pointant l'explosion mondiale des inégalités. Je propose de rendre compte de cette excellente analyse, qui, je pense, va intéresser mes amis (marxistes) sur Facebook :
En premier lieu, Alain BADIOU pointe le hiatus, le décalage existant aujourd'hui entre un taux de profit annuel de 6% et un taux de croissance annuelle atone de 1%. De ce gap, il en déduit une logique générale qui transforme les ENTREPRENEURS en RENTIERS. Qui fait que le côté PATRIMONIAL du capitalisme se reconstitue sans cesse, alors que la valorisation du capital au profit de tous (emplois, INVESTISSEMENT productif) est à la traine. On observe donc une primauté du stock sur le flux du capital. Cela c'est très intéressant dans l'ouvrage de PIKETTY et souligné par BADIOU...
Piketty décrit une histoire régressive : dans les années 80, nous avons un nouveau processus, dans le domaine des inégalités. Et dans un contexte général modifié d'expansion du capital, nouvelles nations émergentes,
1°)-Le fait que les inégalités se transmettent par le biais de l'HERITAGE et du PATRIMOINE était largement dominant au XIXéme siècle (cf les ouvrages de Balzac).
2°)-Ensuite est advenue une longue séquence (1880- 1980), où ce n'est plus vrai à proprement parler.
3°)-Cela redevient vrai à partir des années 1980 : autrement dit, on assiste de nouveau à des inégalités largement dues à l'héritage et au patrimoine de quelques uns.
Cela a pour conséquence directe : LE NIVEAU DES INEGALITES EN 2008 EST REVENU A SON NIVEAU DE 1929. Les cohortes nées dans le derniers tiers du XXème siècle sont soumises aux lois de l'héritage autant qu'au XIXème siècle. Tout un monde balzacien est en train de se recomposer aujourd'hui. Donc nous vivons un retour en arrière, la période intermédiaire, les trente Glorieuses faisant figure d'exception.
"Je suis parvenu à la même conclusion par mes propres travaux" ajoute Alain BADIOU. Je suis parvenu à l'idée qu'il y avait une séquence primordiale jusqu'en 1880. Et que la séquence dite d'exception était due à des phénomènes idéologico-politiques, la force du parti communiste dans le monde. La nature organique du capital réapparait, fondé sur la propriété privée et sa transmission par l'héritage. Le capital reconstitue une classe privilégiée, largement héréditaire à la fin à la fin des années 1970, puisque la part du patrimoine l'emporte sur la capital productif"(sic).
Selon Alain Badiou, ce phénomène n'est pas réductible aux simples forces économiques, car l'évènementiel, les forces idéologico-théoriques (l'idéologie libérale triomphante) intervient en force : une fois débarrassé des communistes, les affaires peuvent reprendre comme avant...
En revanche, Alain Badiou trouve la conclusion de l'ouvrage de Piketty décevantes et lui sort : "votre analyse est épique, votre conclusion ne l'est pas. On a la déception de voir que les méthodes de régulation du capitalisme sont très improbables”(sic)...Ce à quoi Piketty lui répond : "rien ne permet d'imaginer qu'un possible processus électoral soit de nature à mettre fin à la dynamique du capital”(sic) : une analyse à laquelle nous ne sommes pas forcés de croire.