Réponse à ceux qui pleurent sur la gôche "éparpillée façon puzzle !"
Article rédigé par Pierre Michel, François Delpla, Brigitte Bouzonnie
1°)- Pierre Michel : « ÉPARPILLÉE FAÇON PUZZLE »
Et pourtant, impossible d’incriminer les tontons flingueurs si la gauche se retrouve dans un aussi triste et dérisoire état : elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même !… Le dernier épisode de cette descente aux enfers du grotesque nous est offert par dame Taubira, dont le plus notable fait d’arme, on s’en souvient, est d’avoir permis, il y a 20 ans, la stupéfiante qualification du facho père pour la finale, le calamiteux échec de Jospin et l’écrasante et totalement inattendue reconduction de Chirac sur le trône de France. En appelant à l’union des gauches, ce qui part d’un bon sentiment, elle se prépare, « en même temps » (comme dirait le nabot qui se prend pour Napo), à ajouter une 8e ou 9e candidature à la longue liste des postulant se réclamant de la gauche. Cherchez l’erreur !...
Jamais la gauche n’est tombée aussi bas, si l’on en croit tous les sondages qui se suivent et se ressemblent : toutes candidatures confondues, elle semble culminer à 25-30 % des voix potentielles, de surcroît éparpillées en pure perte. Il faut croire que le ridicule ne tue plus et que les (ir)responsables des forces de gauche ont perdu la boule : chacun est dans son (petit) couloir et refuse d’en bouger, persuadé de son bon droit, et regarde les autres compétiteurs du haut de son imperturbable bonne conscience. Résultat : tous foncent droit vers le précipice, laissant le champ libre aux deux candidats de la droite et aux deux postulants de l’extrême droite. « Requiescat in pace », la gauche !... Et pourtant…
Et pourtant, si l’on en croit le paradoxal constat du sociologue Roger Sue dans un récent article du “Monde” (https://www.lemonde.fr/.../la-france-est-un-pays-de...), « La France est un pays de gauche qui vote à droite ». Il relève en effet nombre d’indices, qui, selon lui, « traduisent de profonds mouvements de démocratisation souvent mal perçus et compris, autour de l’individualité, de l’égalité et de l’expressivité ». De ces aspirations de gauche on a vu les résultats électoraux bénéfiques aux européennes, aux municipales et aux départementales/régionales. Pourquoi ne serait-ce plus le cas en 2022 ?
Alors que c’est la gauche qui incarne toutes les valeurs progressistes qui l’ont emporté au cours des dernières décennies, jamais on n’a assisté à pareille droitisation de l’opinion publique, si l’on en croit les sondages. Le freluquet a mis la barre à droite toute pour réduire l’espace politique de la duchesse de Versailles, sa concurrente la plus dangereuse ; laquelle a mis à son tour la barre encore plus à droite, dans l’espoir de barrer la route au pétainiste antisémite qui tente de regrouper droite dure et extrême droite derrière son drapeau fleurdelysé. L’occasion serait donc belle pour les forces de gauche de faire front et, dépassant les désaccords et les rivalités, de s’unir pour défendre mordicus leurs communes valeurs et empêcher le vaste retour en arrière programmé, quel que soit le vainqueur du duel annoncé entre les finalistes de droite.
Dans tout le Micronistan se multiplient, en ordre dispersé, les appels les plus divers à une union des organisations de gauche, y compris en leur sein (PS, Verts, PCF et Insoumis) : pétitions collectives, multitude d’articles de presse, interventions multiformes sur les réseaux sociaux, grèves de la faim, et, bien sûr, la « Primaire populaire », etc.. On a vu récemment, en Israël, en Hongrie et en Allemagne, dans des situations fort diverses, se réaliser d’improbables unions de forces politiques fort divergentes sur des tas de questions fondamentales, mais qu’unit une même volonté. Pourquoi les divergences qui existent à gauche, réelles mais pas du tout insurmontables, devraient-elles interdire des discussions, franches mais sérieuses, au terme desquelles serait élaboré un programme gouvernemental qui, comme en Allemagne, engagerait les signataires pour cinq ans ?
Si toutes les pressions exercées de toutes parts pour aboutir à un résultat positif échouent, comme c’est malheureusement à craindre, alors l’électorat de gauche sera complètement déboussolé, désarçonné, désabusé, désespéré, et les législatives qui suivront la présidentielle seront de nouveau catastrophiques. Beaucoup d’électeurs de gauche choisiront l’abstention, même au premier tour : à quoi bon se déplacer, si tout est foutu d’avance ? D’autres pourraient bien se résigner à voter pour Foutriquet, toute honte bue, s’il leur apparaît, tout bien pesé, comme « un peu moins pire » que sa concurrente, cependant que d’autres encore pourraient bien en arriver à voter pour la duchesse à la seule fin d’éjecter enfin le sortant, au terme de cinq années particulièrement calamiteuses…
N’avons-nous donc rien de mieux à offrir au peuple de gauche ? Ne pouvons-nous donc pas espérer mieux des forces se réclamant de la gauche ?... Allons-nous assister, en spectateurs impuissants, au suicide collectif de la gauche ? La situation est-elle définitivement désespérée ? Ou bien un tardif sursaut est-il encore envisageable ?...
2°)-François Delpla Il n'y aurait pas, tout de même, à gauche, un "moins pire", et surtout un "qui a des chances d'être élu", et un seul ? Détail : Taubira n'était pas la seule peau de banane de Jospin, qui d'ailleurs se l'était largement fabriquée lui-même. Ils avaient négocié sur un nombre de sièges à la chambre (lors des législatives que Lionel avait regrettablement et sans concertation reportées après la présidentielle) et dans cette négociation, où l'offre socialiste était très basse, la seule force de frappe du MRG était la menace de présenter un candidat à la présidentielle. Lionel s'en était accommodé facilement et hautainement... persuadé de récupérer ces voix au second tour. A raison s'il avait eu lieu !
3°)-Brigitte Bouzonnie : Merci pour cette info peu connue. De mon côté, je rappelle que le sieur Jospin a opéré un important virage de la rigueur avec la loi de finances 2001 : toutes les enveloppes sociales, notamment celles de contrats aidés furent coupées de façon drastique. Résultat : la courbe du chômage augmenta pendant 17 mois, sans que Jospin/Guigou ne lèvent le petit doigt, de leur bureau doré.
Résultat : les chômeurs du Nord de la France, qui jusque là votaient PS, partirent voter Front National/ Jean-Marie Le Pen. Et je n'ai pas pleuré le 21 avril 2002, lorsque j'ai appris que Jospin était éliminé !