On le sait : 400 000 sans abris vivent dans la rue. Ou gravitent autour, précise Patrick Declerck, sociologue, auteur de l'ouvrage "Le sang nouveau est arrivé, l'horreur SDF", Gallimard, Folio 4604, 2007. Ayant vécu 15 ans avec les sans abri de la région parisienne. A partir de là, les propos grossiers du député LREM, Sylvain Maillard, sur le fait que 50 SDF feraient librement le choix de vivre dehors, y compris les pseudos cris d'indignation vertueux surgis en réaction, ne sont qu'une façon d'occulter l'ampleur de la détresse des sans abris : qui, les joues rougies, transis de froid, passent leur journée sur les trottoirs recouverts de neige.
Naturellement, le nombre de places d'accueil dans les centres d'hébergement d'urgence est très insuffisant, correspondant à peine à 15-20% de la demande. C'est ce que disait notamment hier un sans abri faisant la manche dans le métro qui m'emmenait au travail. Une étude de novembre 2017 du baromètre FAS montre que, sur plus de 1000 appels de SDF par jour à Paris, à peine 25% ont été logés en CHU. 17% en Seine-Saint Denis, 8% dans le Rhône, et 6% dans le Nord. Ainsi, malgré l'acuité du problème, l'absence d'un toit pour 80% des demandeurs, personne ne moufte. A commencer par la Direction de la FI, préférant parler de la chasse à cours : ainsi que me le faisait remarquer mon amie Nathalie, partie en maraude à Toulouse, porter de la soupe chaude aux SDF de son quartier.
D'ordinaire, si j'ose dire, à cette période de l'année, la température chutant, le journaleux de BFMTV et d'ailleurs guette le SDF "mort de froid", qui a un parfum d'aventure ultime, qui a longtemps fait recette dans les télés du pouvoir. Et dans les têtes des Classes moyennes qui font l'opinion. Il existait ce que Patrick Declerck appelle une "fête annuelle de la charité". En lien certainement avec le "malaise moral, qui s'est accru avec l'abandon des espérances révolutionnaires, et d'un projet politique de transformation des rapports sociaux", écrit avec lucidité Alain Accardo dans son ouvrage : "Le petit-bourgeois gentilhomme, Sur les prétentions hégémonique des classes moyennes", Agone, 2009.
Je crois que cette année, depuis l'arrivée de Macron au pouvoir, la situation est très différente des années précédentes. L'image du pauvre a encore dégringolé à l'applaudimètre des consciences petite-bourgeoises, désormais calée sur le triple zéro. Sous la bouche de Chouchou 1er, le pauvre est devenu un "rien", un "jaloux", un "sans costard", "sans Roleix, "sans boucles d'oreille Chanel". Un être jetable. Une "chose" n'accédant plus à l'humanité. Mais aujourd'hui et au delà du seul Macron, règne un cynisme général à n'y pas croire, où des millions de femmes et d'hommes pauvres, pas seulement les sans abris, sont soigneusement mis au rancart des sujets dont on parle, tant ils comptent pour rien.
Cette année, il a fait froid, (si, si !). Je ne parle pas des bureaux surchauffés des grandes villes. Mais de l’absence/insuffisance de chauffage dans les zones rurales. Mais de cela, qui en a parlé dans les médias non équitables ? Voire sur les réseaux sociaux, qui ne rétablissent pas toujours la vérité. La mort de froid du photographe Robert, rue de Turbigo à Paris, deuxième arrondissement, laissé sans secours 9 heures sur le trottoir, résume cette indifférence de la petite-bourgeoisie parisienne, anesthésiée moralement, pour plus faible qu’elle.
Inversement, on notera les longs, interminables directs sur les "naufragés de la neige"(sic), qui ont préempté tout autre sujet social, dont celui des sans abri, occupant tous les esprits 24 heures sur 24. Ainsi, à elle toute seule, la fermeture de la RN 118, les centaines de voitures abandonnées sont jugées plus importantes que l'hébergement des SDF, dont, il n’a jamais été question au cours de cet hiver. Comme disait un journaliste météo sur BFM-Paris, "un centimètre de neige à Paris, et c'est la cata" (sic). Les voitures abandonnées sont jugées par la classe médiatique d’extrême centre plus importantes que la survie sur les trottoirs d'une personne dans le froid. Bof, aucune importance.
Personne pour dénoncer la brutalité de la société française 2022, le monde sans pitié, que nous impose Macron depuis 2017. Une non société, où TOUT revient à la Bourgeoisie, RIEN aux Classes populaires. Soit un monde d'inégalités abyssales et monstrueuses, -on est passé d’un écart des revenus de 1 à 20 dans les années 60 à un écart de 1 à 400 aujourd’hui (chiffres Martine Orange)-, sans que personne ne moufte à “gôche”, y compris au sein de la Direction de la France Insoumise, peu soucieuse de cette nouvelle lutte des classes gagnée par la seule bourgeoisie !